Pour comprendre les enjeux du vieillissement de la population, il ne suffit pas de regarder la démographie, il faut également comprendre les transformations sociales et économiques de ces dernières décennies. Parmi elles, la plus significative quand on parle de la vie au grand âge est sans aucun doute la famille. Alors qu’elle a longtemps joué le rôle principal dans le soutien de ses membres les plus âgés, son engagement s’est peu à peu réduit au profit de la solidarité nationale (Argoud, 2016).
Éloignement géographique, carrière professionnelle, soutien prolongé des enfants dans l’entrée dans la vie active, report de l’âge de la retraite, etc., les raisons sont nombreuses pour expliquer la diminution des solidarités familiales vis-à-vis des parents vieillissants. L’une de ces raisons est le développement d’un écosystème professionnel et institutionnel afin de prendre soin des personnes âgées, à domicile comme en institution depuis les années 1970 (Argoud, 2016).
Il est heureux que la France puisse soutenir, par la solidarité nationale, les personnes âgées, et qu’elle puisse continuer à encourager le développement d’un accompagnement professionnel. Pour autant, celui-ci est loin d’être suffisant, faisant de l’aidant un acteur indispensable au bon accompagnement des personnes. On estime ainsi que la contribution annuelle des aidants s’élève à près de 10 milliards d’euros (Joel, 2018). Dans les 15 prochaines années, le nombre de personnes âgées qui parvient à l’âge de la dépendance va s’accroître de près de 30 %, une évolution que la solidarité nationale n’est pas en mesure d’absorber dans un contexte économique contraint (Libault, 2019). D’autant plus que le secteur connaît d’ores et déjà une pénurie de main-d’œuvre sans précédent, avec plus de 300 000 postes à pourvoir dans le secteur d’ici 2030 et aucune stratégie pour inverser la tendance.
Par ailleurs, et au-delà de ces considérations économiques, rappelons que vieillir entouré de ses proches reste une aspiration majeure des personnes âgées et les bénéfices que l’entourage apporte sur le bien-être des personnes est difficilement remplaçable (Gimbert, Malochet, 2012).
Par conséquent, plus que jamais, et demain plus qu’aujourd’hui, la famille est et sera indispensable à un accompagnement de qualité des personnes âgées, aux côtés des professionnels.
Aussi, posons-nous la question de savoir si un plan ou une stratégie bien vieillir serait aussi efficace qu’un soutien aux solidarités familiales et un travail en profondeur pour renforcer le rôle et la place de la famille dans l’accompagnement des personnes âgées.
Il ne s’agit donc pas ici de chercher à remplacer les professionnels ou la solidarité nationale, mais de montrer que l’un ne doit pas se substituer à l’autre, que les deux sont complémentaires, partenaires même, et qu’ils doivent apprendre à travailler ensemble, au bénéfice des personnes accompagnées.
Face au problème de la dépendance, nombreux proposent de soutenir les aidants. Néanmoins cette solution reste peu efficace : les dispositifs restent largement méconnus malgré d’intenses campagnes de communication. Lorsqu’ils sont connus, ils sont peu utilisés, et même lorsqu’ils sont utilisés, ils ne semblent clairement pas à la hauteur de l’enjeu. Une autre approche consiste à défendre l’idée que le meilleur moyen d’aider un aidant, c’est d’aider la personne accompagnée, pas de soutenir l’aidant. Le but de l’aidant n’est alors pas de se substituer aux professionnels, mais d’être auprès de son parent âgé dans des rôles et des postures qui lui sont propres.
Ce rapport vise donc à mettre en lumière les enjeux, les défis et les opportunités associés au renforcement des solidarités familiales dans l’accompagnement du grand âge. Nous fournirons également aux lecteurs des pistes concrètes pour renforcer ces liens essentiels à un accompagnement de qualité, soulignant la nécessité d’une approche équilibrée qui combine soutien institutionnel (nécessaire mais pas suffisant) et solidarités familiales (désirées mais difficiles à maintenir).