Rapport : Impact de la situation familiale sur la réussite scolaire

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Certains contextes familiaux offrent un soutien essentiel à l’apprentissage, tandis que d’autres posent des obstacles pouvant compromettre le parcours éducatif. À travers l’étude des facteurs de risque et de protection, ce travail propose des leviers pour renforcer la réussite scolaire des enfants, même en présence de situations familiales complexes. Des recommandations sont formulées pour favoriser des pratiques éducatives adaptées et efficaces.

En 2020, en France, près d’un quart de la population est constitué de couples avec enfant(s) : les familles composées d’un couple parental avec enfant représentent 67% du total des familles. Près de 4 millions d’enfants mineurs ont des parents séparés (Bloch, 2021), soit plus d’un tiers des enfants.

La structure familiale dominante reste la famille biparentale (67,2% en 2020 contre 70,4%, en 2011 soit une légère baisse en 20 ans). Ces familles sont composées d’un couple et de leurs enfants. Le nombre d’enfants moyen dans les familles biparentales avoisine les 2 (précisément 1,9). Mais les autres formes de structures progressent rapidement, dans une dynamique de fragmentation des couples et des familles.

Une famille sur quatre est monoparentale (les enfants résident avec un seul parent, sans conjoint cohabitant), soit une augmentation de 18% de cette catégorie en près de 10 ans. Les familles recomposées (9 % des familles) sont les plus grandes : quatre sur dix résident avec trois enfants ou plus à la maison.

Selon l’étude très médiatisée de Paul Archambault (2002), docteur en sociodémographie, on retient souvent la donnée suivante : la rupture du couple parental est associée à une moindre réussite scolaire des élèves. On remarque ainsi un recul de la réussite du baccalauréat de 23% pour les enfants d’employés séparés.

Or, les difficultés scolaires des enfants, qui impliquent parfois le redoublement, ont un coût : 2 milliards d’euros (coût annuel du redoublement). L’impact de la situation familiale et du bien-être des élèves sur la réussite scolaire est, certes, une affaire intime et personnelle, mais aussi publique et sociale.

Selon l’étude d’Archambault, l’avantage scolaire que promet une enfance en milieu favorisé semble diminué par la séparation parentale. Les études sont réduites de 6 mois à plus d’un an, en moyenne, lors de séparation avant la majorité de l’enfant, et les chances d’obtenir un diplôme de cycle universitaire baissent de 45% à 25%, y compris dans des milieux favorisés. Le déterminant social n’est donc, en rien, une fatalité individuelle.

En 2020, près de 4 millions d’enfants mineurs ont des parents séparés (Bloch, 2021). C’est un vécu partagé par 15% de la génération née en 1998, contre 3% de celle née en 1955. Hélène Le Forner, qui a notamment étudié les effets de l’âge à la séparation parentale sur la réussite scolaire et la position sociale, nous rappelle qu’« il n’y pas aujourd’hui de consensus sur l’existence d’un effet de la séparation parentale sur la réussite scolaire et professionnelle des individus, ni sur son ampleur ».

On oublie souvent le contexte de conflictualité qui précède l’évènement « séparation ». Selon l’étude de Thomas Piketty (2003), la situation de conflictualité endurée par l’enfant est plus néfaste que l’évènement de la séparation en lui-même. Piketty a comparé les performances scolaires d’élèves deux ans avant la séparation et deux ans après : les résultats scolaires étaient déjà affectés, deux ans avant la séparation.

Tous les élèves de l’école républicaine sont évalués et jugés selon les mêmes critères. Un élève en difficulté scolaire a une moindre chance de réussite professionnelle et sociale. Le contexte socio-économique, plus que jamais, est un élément déterminant de cette réussite. Le milieu social d’origine continue de jouer un poids très important dans la réussite scolaire, mais ce facteur favorisant peut être renforcé ou, au contraire, dévalué, par la stabilité ou l’instabilité familiale.

Les enfants de familles monoparentales et recomposées vivent plus souvent dans un logement surpeuplé (24% des enfants de famille monoparentale contre 14% des enfants en moyenne). Les enfants des familles monoparentales sont plus souvent que les autres en situation de pauvreté. En 2018, 41% des enfants vivant en famille monoparentale vivent sous le seuil de pauvreté. C’est 20% de plus que l’ensemble des enfants. La séparation parentale est systématiquement à l’origine d’une baisse de niveau de vie pour les enfants. Le risque d’entrée en pauvreté augmente fortement, notamment si l’enfant vit avec une mère seule : 29% contre 13% pour ceux vivant avec leurs deux parents.

Plus les enfants connaissent la séparation de leurs parents à un jeune âge, plus le risque de pauvreté est élevé. En garde alternée, les enfants connaissent une baisse de niveau de vie de 10% en moyenne, mais les parents optant pour ce mode de résidence étant en moyenne plus aisés avant la séparation, le risque d’entrée en pauvreté est donc moindre pour les enfants et la baisse de niveau de vie relative.

Ainsi, plus que la séparation en elle-même, Laurette Cretin montre dans son étude de 2012 que c’est la diminution des ressources qui a un impact négatif sur la scolarité des enfants. 

« Le fait de vivre avec un seul parent reste un désavantage » : le niveau scolaire est plus bas, les chances d’obtention du brevet des collèges en 4 ans moindres. Les élèves de familles monoparentales ou en familles recomposées redoublent plus fréquemment à l’école primaire : 25% contre 14% des élèves vivant avec leurs deux parents.

Le Forner affine cette analyse et montre que les périodes les plus charnières sont 4-6 ans et 10-12 ans, ce qui est cohérent avec les moments cruciaux de développement de l’enfant et les grands changements de structure scolaire (passage au primaire, puis entrée au collège).

Si la ressource économique est un élément fondamental de l’accompagnement des élèves, trois éléments clés favorisent la réussite scolaire : le temps, la présence et l’implication des parents. Trois dimensions souvent mises à mal par la dissolution familiale et la monoparentalité. Ces trois éléments – temps, présence, implication des parents- permettent notamment un accompagnement scolaire soutenu. Les parents aident plus fréquemment et plus longuement leurs enfants qu’auparavant. C’est environ 19h par mois en moyenne consacrées par les parents à eux deux, soit 30 minutes de plus en 2002-2003 que dans les années 1990 (Gouyon, 2004). Ce sont les mères qui aident le plus, et en moyenne deux fois plus que le père. Dans les catégories CSP+, la mère est quasiment un parent d’élève professionnel. Or, concernant le temps consacré à l’enfant, on observe suite à la séparation une diminution de disponibilité de 18% du parent gardien, soit 3 heures et 30 minutes par semaine (données : Panel Study of Income Dynamics – Child Development Supplement). La présence des parents favorise le partage des enfants et le conseil en matière de scolarité. L’implication des parents dans la vie scolaire est un facteur de soutien fort pour les enfants, qui vient encourager leur confiance en eux.

Il s’agit ici d’accompagner les mutations sociales à l’œuvre : la fragmentation de la famille d’abord, puis du couple, constitue une lame de fond. 

  • Une première piste pourrait prendre la forme du soutien des couples, de la prévention de la conflictualité et du maintien de leur stabilité, dans l’optique d’éviter tout choc, changement brusque, diminution des ressources économiques et difficultés logistiques. Le conseil conjugal et familial, voire la psychothérapie conjugale/familiale, y jouerait un rôle majeur.
  • Une deuxième piste serait le renforcement de l’accompagnements des mères, car ce sont elles qui continuent à porter principalement le cadre éducatif et scolaire des enfants.
  • Une troisième piste de soutien pourrait se concentrer sur les figures ressources qui évoluent autour de l’élève et qui proposent des facteurs de protection. Les trajectoires personnelles sont vraiment à prendre en considération : pour une même structure familiale au sens restreint (la structure parents / enfants), il n’y aura jamais deux fois la même situation familiale au sens élargi : les grands-parents, oncles et tantes, voire d’autres figures, peuvent jouer des rôles cruciaux en faveur de la réussite scolaire des enfants, permettant de soutenir les parents et de répartir la responsabilité éducative.

La difficulté réside ici dans le changement de posture : d’un soutien a posteriori des différentes structures, il faudrait pouvoir instaurer une aide a priori, en prévention des difficultés plutôt qu’en réponse aux décisions prises. Comment avancer sur ce sujet sans dogmatisme et en prenant en compte les besoins et le bien-être de chacun des acteurs, aussi bien des parents que des enfants ?

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